mardi 26 juin 2012

THX 1138




Au XXVe siècle, dans une cité souterraine qui ressemble à une termitière humaine où chacun s'identifie par un code de 3 lettres et 4 chiffres, THX 1138 est un technicien tout à fait ordinaire travaillant sur une chaîne d'assemblage de policiers-robots.
Un jour, il commet pourtant un acte irréparable : lui et sa compagne LUH 3147 font l'amour dans une société qui l'interdit formellement. Pour THX 1138, c'est désormais la prison qui l'attend...


THX, un matricule devenu mondialement connu depuis la création, en 1983, du fameux label de qualité du même nom, qui orne salles de cinéma et jaquettes de DVD. S’il est moins célèbre, le numéro 1138 a également fait du chemin depuis 1971. Celui-ci a donné son nom à une plaque d'immatriculation dans American Grafitti ou encore à un quartier de prisonniers sur la redoutée Etoile de la mort de la trilogie Star Wars.  A l’époque, le futur, le 21e siècle semblait encore loin, maintenant que nous le vivons, peu de choses semblent avoir changé, mais l’épouvantail que représentait THX semble toujours d’actualité, la "sociologie-fiction" fonctionne plus que jamais.

A cette époque, tout comme le héros THX 1138, le cinéma traversait une grave crise identitaire. Le système des studios laissait progressivement, mais sûrement, la place à des compagnies dont le capital était entre les mains de puissants holdings financiers. La création et la rébellion n’avaient plus leur place au sein du système hollywoodien traditionnel. C’est dans ce contexte que Francis Ford Coppola décida de fonder American Zoetrope, une société de production qui allait permettre aux réalisateurs qui avaient rejoint ses rangs, de mener artistiquement leurs projets à bien face aux studios. Quel premier film, mieux que THX 1138 EB, travail d’étude du jeune George Lucas, pouvait symboliser la philosophie de Zoetrope ? Coppola, qui était prêt à tout pour lancer THX, parvint à convaincre Lucas de s’atteler à l’écriture d’un scénario. Lucas, peu à l’aise dans ce type d’exercice appela Walter Murch à la rescousse. Entre-temps, Coppola avait négocié un financement du film par la Warner, à la condition qu’il soit le lien unique entre Lucas et le studio. Lucas entreprit de tourner son film avec peu de moyens, mais en totale liberté. Du moins le pensait-il…

Le produit final fut montré aux responsables du studio en 1970 qui détestèrent le film. Celui-ci ne correspondait pas à l’idée commerciale qu’ils s’en étaient faite. Bien qu’elle se défendait d’user du ciseau pour imposer ses vues à ses auteurs, la Warner exigea de Lucas de rendre les bobines et elle coupa quatre minutes du film qui sortit sur les écrans au printemps 1971 dans une version revisitée. Si THX 1138 marqua la fin de la relation entre Warner et la Zoetrope, il sonna également le glas des illusions de Lucas. Jamais il ne pardonna au studio d’avoir charcuté son "bébé". L’expérience THX modifia également les relations entre Coppola et Lucas, qui reprocha à Coppola de l’avoir abandonné face aux exigences de la Warner .


Si le concept de THX était novateur en 1970, il ne faisait pourtant que refléter les préoccupations des maîtres du roman de science-fiction. Lucas ne tente pas de décrire un futur possible, il se borne à critiquer le présent.Il développe des obsessions thématiques récurrentes : un héros qui se bat contre le système, un personnage qui préfère quitter un univers familier pour s’aventurer dans l’inconnu. Tout comme le personnage central d’un American Graffiti ou d’un Star Wars, THX se bat contre la société. Afin de se libérer de ses entraves et d’une fin inéluctable, THX n’a d’autre possibilité que de s’échapper. Sa partenaire LUH (Maggie McOmie) supprimée, plus rien ne le retient sous terre. C’est en compagnie d’une illusion - l’hologramme SRT (Don Pedro Colley) qui souhaite également connaître la vie - et de SEN, un déviant (Donald Pleasence), que THX va entreprendre son périple. Cette libération ne sera réussie que dans la contemplation du soleil. Lucas nous livre d’ailleurs un plan final sans ambiguïté sur ses références. THX qui s’est extirpé de sa cité-prison, fait face à une lumière aveuglante mais bénéfique.




Parmi les influences cinématographiques de Lucas, 2001, l’Odyssée de l’espacede Stanley Kubrick vient naturellement à l’esprit. Lucas n’a jamais caché son admiration pour 2001, qu’il qualifie d’aboutissement du cinéma de science-fiction. Les restrictions budgétaires seules ne peuvent justifier l’aspect dépouillé de ses plans. THX s’inspire de 2001, ses espaces vides et blanchâtres, ses longs couloirs, jusqu’à cet ultime plan du film où THX admire le soleil, une sorte d’hommage au final de Kubrick. Lucas a appris de Kubrick la puissance des espaces vides . Outre à2001, Lucas a également énormément emprunté au Metropolis de Fritz Lang. Les routes et autoroutes suspendues de la cité souterraine de THX évoquent bien évidemment celles déjà imaginées par Lang en 1927. Minimalisme, expérience visuelle et auditive, seuls nos sens nous guident dans cet univers cauchemardesque.

Malgré ses influences prestigieuses, le film ne remporta pas le succès escompté auprès du public, il acquit cependant assez rapidement ses lettres de noblesse auprès de la critique. Lucas dut dès lors dresser un bilan amer : "Je me suis rendu compte que je devais faire des films de divertissement ou me résoudre à n’être distribué que par les cinémathèques". THX 1138 est peut ètre le film le plus mature, le plus abouti, le plus maîtrisé de Lucas. Avec American Graffiti en 1973, le réalisateur se tourne vers un cinéma moins expérimental, plus commercial. A force de lutter pour son indépendance, Lucas allait devenir, malgré lui, un certain reflet du système qu’il avait toujours combattu ; un empire qui se décline en figurines et autres produits de consommation afin de pouvoir préserver une certaine indépendance vis à vis des studios...
Fiche technique
  • Titre : THX 1138
  • Réalisation : George Lucas
  • Scénario : George Lucas et Walter Murch
  • Musique : Lalo Schifrin
  • Production : Francis Ford Coppola pour American Zoetrope
  • Date de sortie : 11 mars 1971 (jamais sorti en France)
  • Pays d'origine : États-Unis
  • Format : Couleur - 2,35:1 (Techniscope) - Stéréo - 35 mm
  • Genre : science-fiction, drame
  • Durée : 88 minutes (1h28)

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